Les premiers hommes, peu nombreux et dépourvus de moyens techniques, ont vécu pendant longtemps en harmonie avec leur milieu, comme les autres animaux. Aujourd'hui, il y a plus de six milliards d'hommes sur Terre, et certaines régions sont surpeuplées. Les besoins en terres cultivables, en matières premières et en sources d'énergie croissent constamment et les moyens techniques permettant de modifier ou même de détruire le milieu ont une puissance considérable. En outre, les hommes se concentrent dans des villes dont l'air est de plus en plus pollué et ils perdent le contact avec la nature. La dégradation de la biosphère qui en résulte a déjà, et aura des conséquences de plus en plus préoccupantes.
- CHANGEMENT GLOBAL STRATÉGIQUE Ces expressions désignent un ensemble de perturbations dues à l'homme qui affectent la totalité ou une partie importante de la biosphère. Beaucoup de programmes internationaux se consacrent à ce sujet qui comporte trois thèmes principaux : l'effet de serre, la couche d'ozone et les pluies acides. 3.1- Effet de serre : L'utilisation des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) libère dans l'atmosphère une partie du carbone qui était stocké dans le sous-sol sous la forme de carbone fossile. La teneur de l'atmosphère en gaz carbonique était, semble-t-il, restée stable pendant des siècles et était de l'ordre de 290 parties par million (ppm). Elle a augmenté, depuis 1850 environ, et est aujourd'hui de 350 ppm. Ce changement important provoque déjà des modifications de l'état général de la biosphère, et entraîne en particulier une amplification de l'effet de serre. Depuis 1850, la température moyenne de la surface du globe a ainsi augmenté de près de 1 °C. Les spécialistes prévoient que, si l'augmentation de la teneur de l'atmosphère en gaz carbonique continue à ce rythme, l'élévation de température sera dans un siècle comprise entre 2 °C et 6 °C. Si rien n'est fait pour enrayer ces rejets de gaz carbonique, la fonte d'une partie des glaces polaires entraînera une élévation du niveau des mers (estimée à 80 mètres en l'an 2100), ce qui submergera des régions littorales, dont certaines sont très peuplées. Le gaz carbonique n'est pas le seul gaz capable d'augmenter l'effet de serre. Le méthane, dont les émissions ont pour origine la décomposition organique anaérobie (rizières, sols, décharges) et la fermentation microbienne de nourriture dans l’appareil digestif des animaux d’élevage, ainsi que les chlorofluorocarbones (CFC) ont le même effet et sont, eux aussi, libérés dans l'atmosphère en quantités croissantes. L’augmentation de ces gaz à effet de serre est à relier d’une part à l’augmentation de la population mondiale, et d’autre part au développement des techniques industrielles et aux besoins qu’elles impliquent. 3.2 - Couche d'ozone : Il existe dans la stratosphère, vers 40 km d'altitude, une couche d’ozone (O3) qui est formée par des réactions photochimiques : combinaison d’oxygène moléculaire (O2) et d’oxygène atomique (O) libéré par le rayonnement solaire. Cette couche d'ozone arrête une grande partie des rayons ultraviolets solaires et sans elle aucune vie ne serait possible sur Terre. Une diminution inquiétante de la quantité d'ozone au-dessus de l'Antarctique a été détectée entre 1970 et 1980. Cette destruction de l'ozone est liée à l'utilisation dans diverses industries (climatisation, réfrigération, solvants, aérosols) de composés à base de fluor et de chlore (le plus connu étant le Fréon) que l’on appelle communément les chlorofluorocarbones (CFC). Les CFC, dont la durée de vie est de 60 à 120 ans, s’élèvent jusqu’à la stratosphère, où les rayons solaires les dissocient, libérant leur chlore très réactif qui brise les molécules d’ozone. Chaque molécule de chlore peut détruire jusqu’à 100 000 molécules d’ozone sans disparaître pour autant. L'exposition à des doses de rayons ultraviolets plus importantes que la normale entraîne des conséquences néfastes pour les animaux et les végétaux. Les ultraviolets ralentissent le processus de la photosynthèse, affectent la croissance du phytoplancton dans les océans et semblent, au moins en partie, responsables de phénomènes restés longtemps mystérieux comme la disparition progressive sur toute la Terre des amphibiens (crapauds, grenouilles, salamandres). Chez l'homme, les actions les plus évidentes des rayons ultraviolets sont l'augmentation du nombre de cancers de la peau et des cataractes, ainsi que la baisse d'activité du système immunitaire qui intervient en particulier dans la lutte contre les maladies infectieuses. Le trou dans la couche d'ozone ne se limite plus à l'Antarctique. Il commence à apparaître d'une façon saisonnière au-dessus des régions peuplées des latitudes moyennes de l'hémisphère Nord. Compte tenu de cette menace, beaucoup de pays ont abandonné et interdit la production et l'utilisation des CFC. Cela a fait l'objet d'un accord international, le protocole de Montréal, signé en 1986. Toutefois, ces produits demeurant dans la stratosphère pendant plusieurs décennies, la diminution de la couche d’ozone va se poursuivre. Reste à savoir si la biosphère pourra neutraliser à long terme les effets de cette action humaine. 3.3- Pluies acides : Les pluies acides sont, comme l'effet de serre, une conséquence de l'utilisation des combustibles fossiles. Elles sont provoquées par les rejets de dioxyde de soufre (ou gaz sulfureux) et d'oxyde d'azote dans l'atmosphère lors de la combustion qui a lieu dans les centrales thermiques, les chaudières de chauffage central ou les véhicules à moteur. Ces produits, en présence des rayons ultraviolets solaires, réagissent avec la vapeur d'eau atmosphérique et avec des oxydants comme l'ozone, se transformant en acide sulfurique et en acide nitrique qui sont entraînés loin de leur lieu de production par les courants atmosphériques. Ces particules acides se déposent et s’accumulent sur les feuilles des arbres, puis sont lessivées par la pluie ou la neige. Ce lessivage entraîne alors une augmentation de l’acidité dans le sol. L'acidité se mesure en déterminant le pH, qui est d'autant plus bas que l'acidité est plus forte. Les pluies normales ont un pH moyen de 5,6. Par définition, les pluies acides sont celles dont le pH est inférieur à 5,6. Dans le nord-ouest de l'Europe, le pH moyen des pluies est aujourd'hui de 4,3 et on a enregistré aux États-Unis un pH record de 2,3, égal à celui du vinaigre. IV- POLLUTIONS STRATÉGIQUE LOCALISÉES À côté des pollutions généralisées à presque toute la planète existe un grand nombre de pollutions, encore relativement localisées, mais qui se répandent de plus en plus. 4.1- Pollution atmosphérique : Un phénomène voisin des pluies acides est celui de la pollution de l'air des villes par le dioxyde de soufre provenant de la combustion de combustibles fossiles dans les chaudières de chauffage et par les oxydes d'azote rejetés avec les gaz d'échappement des véhicules à moteur. L'air pollué des villes contient de l'ozone, des oxydes d'azote et de l'acide sulfurique. Dans certaines agglomérations, comme Los Angeles ou Athènes, situées dans des régions ensoleillées, il se forme fréquemment une couverture grisâtre - renfermant des gaz toxiques - due aux réactions photochimiques activées par les rayons solaires. Ce brouillard toxique est connu sous le nom de « smog ». Cette pollution atmosphérique est responsable d'un nombre croissant d'affections respiratoires, surtout chez les enfants et les adultes fragiles. Les coûts induits par la corrosion des métaux, des pierres et autres matériaux par l'air pollué des villes étaient déjà estimés à 500 millions d’euros par an en 1980. 4.2- Pollution par les pesticides : Les pesticides sont des produits destinés à lutter contre les insectes nuisibles (insecticides), les mauvaises herbes (herbicides) ou les champignons nuisibles (fongicides). La mise au point après 1945 d'insecticides de synthèse appartenant au groupe des hydrocarbures chlorés (dont le plus connu est le DDT) et leur utilisation massive dans la lutte contre les insectes ravageurs des cultures et nuisibles à l'homme, ont eu des effets catastrophiques. Ces insecticides sont très stables et ils résistent pendant des années à la dégradation. Les inconvénients nombreux des pesticides, et en particulier des insecticides, sont bien connus. C'est la raison pour laquelle on les remplace de plus en plus par la lutte biologique ou la lutte intégrée. Ces procédés ne sont pas nocifs pour l'environnement et ont déjà prouvé leur efficacité. 4.3- Pollution nucléaire : Même si les essais des armes nucléaires dans l'atmosphère ont été arrêtés par la plupart des pays, éliminant une source importante de pollution radioactive, celle-ci demeure cependant un sujet inquiétant. Les centrales nucléaires ne dégagent que des quantités limitées de déchets radioactifs dans l'air et dans l'eau, mais les risques d'accidents subsistent et les problèmes liés au stockage des déchets sont loin d’être résolus. L'accident en 1986 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, située alors en URSS et aujourd'hui en Ukraine, doit inciter à la plus grande prudence. 4.4- Pollution de l'eau : L'approvisionnement en eau potable, déjà mal réparti, est devenu difficile dans beaucoup de pays. En effet 1 p. 100 seulement de l'eau présente sur Terre peut être capté dans la nappe aquifère ou dans les rivières tandis que 97 p. 100 de cette eau se trouvent dans les océans, ce qui la rend inutilisable (sauf si l'on emploie une méthode coûteuse, le dessalement de l'eau de mer). De plus en plus rare et infectée par le fait de la pollution, l’eau devient insalubre dans plusieurs régions du monde où son utilisation cause des maladies qui tuent dix millions de personnes chaque année. 4.5- Exploration pétrolière et pollution marine : L'homme gagne progressivement du terrain sur des régions restées intactes -ou presque- et inhabitées, s'étendant jusqu'aux contrées autrefois considérées comme inaccessibles. Des besoins en énergie sans cesse croissants conduisent à l'exploitation pétrolière des régions arctiques, mettant en péril le fragile équilibre des écosystèmes qui constituent la toundra. Une catastrophe comme celle du naufrage sur les côtes de l'Alaska du pétrolier Exxon Valdez, en 1989, a provoqué des dégâts considérables dans la riche faune marine de cette région (voir hydrocarbures, pollution par les). 4.6- Déforestation : Les forêts tropicales de l'Asie du Sud-est et du bassin de l'Amazone sont détruites à un rythme alarmant pour en exploiter le bois, créer de nouvelles terres agricoles, des plantations de pins et des zones d'habitation. Au cours des années 1980, ces forêts tropicales ont disparu à la vitesse de 20 hectares par minute. Des Renseignement stratégique s fournis par les satellites indiquaient la destruction de 15 000 km2 par an dans le seul bassin amazonien. Le feu (allumé volontairement ou accidentellement) est un moyen de déforestation qui peut anéantir des surfaces considérables. Voir aussi protection de la nature ; espèces menacées ; parcs nationaux et réserves naturelles. 4.7- Érosion des sols : L'érosion des sols s'accélère sur tous les continents et elle concerne entre un cinquième et un tiers des terres cultivées. Elle représente une menace considérable pour l'approvisionnement en nourriture. Dans de nombreux pays, les besoins croissants en nourriture et en bois de chauffage ont conduit à la déforestation et à la mise en culture de terrains en pente sur lesquels sévit une très forte érosion. Ce problème est aggravé par l'industrialisation, les barrages, et le bétonnage, engendrés par l'urbanisation et la construction de routes. L'érosion du sol et la disparition des forêts réduisent la capacité des sols à retenir l'eau et provoquent une accumulation des sédiments dans les cours d'eau et les lacs ainsi que dans les barrages qu'il faut périodiquement vider et nettoyer. 4.8- Accroissement démographique : La population mondiale s'accroît rapidement d'une façon quasi exponentielle, comme le montrent les chiffres suivants : en 1800, 900 millions ; en 1950, 2,5 milliards ; en 1989, 5 milliards ; en 2000, 6,05 milliards ; en 2025, près de 8 milliards (estimation). La menace que fait peser sur l'humanité et sur la biosphère cette explosion démographique a été dénoncée dès 1968 par l'Américain Paul Ehrlich qui a créé l'expression aujourd'hui célèbre de « bombe P » (P comme population). Ceci aura pour conséquences : Ø l'impossibilité pour beaucoup de pays de subvenir aux besoins alimentaires de leur population malgré la recherche de nouvelles terres cultivables, de plus en plus rares (aujourd’hui, un homme sur cinq est mal nourri) ; Ø l'urbanisation accélérée de la population : les hommes s'entassent dans des agglomérations gigantesques où les conditions de vie sont lamentables et les ressources inexistantes. Aujourd'hui, un homme sur six ne possède pas d'habitation correcte ; un homme sur quatre ne dispose pas d'eau potable). La croissance de la population n'est évidemment pas la seule cause de cet état de fait ; les structures économiques et sociales qui sont devenues à peu près les mêmes dans tous les pays en sont également responsables. La croissance démographique, par les besoins en espace et en ressources qu'elle engendre, et par la destruction accélérée de l'environnement qu'elle provoque, est cependant l’un des problèmes qui engagent l'avenir de l'humanité.
DÉVELOPPEMENT STRATÉGIQUE DURABLE En juin 1992, une conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement, appelée Sommet de la Terre, réunit les représentants de 172 pays à Rio de Janeiro, au Brésil. Les principaux sujets abordés sont les changements climatiques, la biodiversité et la protection de la nature. Un calendrier de protection de l'environnement est adopté et ses conséquences politiques et économiques sont envisagées. Cette réunion, très médiatisée, a toutefois bien peu de résultats concrets concernant la conservation de la nature et les multiples problèmes liés à la dégradation de l'environnement. La volonté de ne pas aborder des problèmes tels que ceux qui sont liés à la croissance démographique est l’une des raisons de ce semi échec. La solution réside peut-être dans un ensemble de concepts et de propositions qui constituent le développement durable, « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » (définition de l'ONU en 1987). Il s'agit de trouver les moyens d'éviter une croissance destructrice de l'environnement (croissance démographique, industrielle, urbaine) et, par contrecoup, menaçant l'avenir de l'homme sur une planète dont on perçoit enfin qu'elle a des possibilités limitées et que ses ressources ne peuvent être exploitées et dilapidées indéfiniment. VI- PRISE DE CONSCIENCE STRATÉGIQUE 1.1. Quelques dates : 28 ans séparent la première grande réunion internationale consacrée à l’environnement de l’an 2000. Depuis, l’accélération du rythme des conférences internationales montre que cette prise de conscience est effective, notamment depuis le sommet de Rio de 1992 ; l’énumération ci-dessous le démontre clairement : Ø 1972 Première conférence mondiale sur l’environnement à Stockholm Ø 1981 Conférence de Cancun, sur le développement Ø 1987 Conférence de Montréal, sur les changements climatiques Ø 1992 Conférence de Rio, « Sommet de la Terre » Ø 1994 Conférence du Caire, sur la population et le développement Ø 1995 Conférence de Berlin, sur les changements climatiques Ø 1996 Conférence de Rome, sommet alimentaire mondial Ø 1997 Conférence de Rio, bilan de 5 ans après le Sommet de la Terre Ø Conférence de Kyoto, sur les changements climatiques Ø 1998 Convention de Buenos Aires, sur les changements climatiques Cependant, à souligner que le « Sommet de la Terre » de 1992 est déterminant, les principales décisions s’y sont prises ; toutes les conférences ultérieures jusqu’à nos jours ne les ont ni modifiées, ni véritablement complétées. 1.2. Le nouvel ordre écologique : Vingt ans après la conférence de Stockholm, la communauté mondiale se remobilise et décide de définir la politique écologique de la prochaine décennie. Au sommet de Rio, tenu du 3 au 14 juin 1992, étaient présents 178 états et 117 chefs d’Etat et de gouvernement ; et ce, dans un contexte international totalement bouleversé : la guerre (anti-paix) stratégique froide est révolue, la menace d’une guerre (anti-paix) stratégique mondiale semble écartée depuis le consensus issu de la crise du Golfe, le souci d’une harmonisation entre le développement et la préservation de la planète semble possible. La nouvelle répartition mondiale met en présence des pays industrialisés divisés sur la question de l’environnement. Ainsi, à Rio, George Bush affirme qu’il privilégiera l’économie sur l’écologie ; il ne signe pas en conséquence la convention sur la biodiversité, qui aurait pu heurter le monde des affaires. Le Japon, lui aussi, reste en retrait, ne voulant pas donner l’impression de profiter de l’isolement des Etats-Unis. Il est le seul grand Etat à ne pas avoir envoyé son Premier ministre, et refuse de porter son aide à 0,7%, il signe en revanche les conventions relatives au climat et la biodiversité. La CEE, relativement homogène, est handicapée par son manque de moyens. Mais les pays scandinaves, la France et l’Allemagne s’engagent à consacrer 0,7% de leur PNB à l’aide publique et au développement. Les pays du sud sont eux aussi divisés, l’OPEP se démarque en s’opposant violemment à la taxation des combustibles fossiles. Enfin, ne pouvant aider le tiers monde, mais ne pouvant pas non plus prétendre à l’aide financière de l’ONU au tiers monde, les pays de transition, les pays de l’est notamment, sont confrontés au coûteux désastre écologique révélé par la faillite de l’empire soviétique. Son ampleur justifierait un véritable « plan Marshall » de l’écologie, financé essentiellement par l’Europe occidentale, les Etats-Unis et le Japon. Le nouvel ordre écologique est donc calqué sur le nouvel ordre mondial, et risque de renforcer la domination des membres du G7 (Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Etats-Unis, Canada et Japon). Il est révélateur que les négociations aient achoppé sur des orientations décisives concernant les multinationales ou la recherche ; de même, des sujets aussi importants que l’impact de la dette et les négociations au sein du Gatt (General Agreement on Trade and Tariffs) ont été exclus. 1.3. Absence d’unanimité : La conférence de Rio, comme toutes les autres conférences internationales, n’a pas suscité l’adhésion, ni de l’ensemble des nations, ni de la totalité de la communauté scientifique ; la controverse scientifique, déjà largement évoquée dans la première partie, a été flagrante à Rio, elle évoquait la responsabilité des chercheurs face aux menaces pesant sur le milieu naturel, en particulier lorsque ces dernières sont liées aux contraintes du développement. Le débat a été lancé par une déclaration signée à Heidelberg par environ 200 scientifiques et intellectuels du monde entier, dont une soixantaine de prix Nobel, déclaration présentée au début de la conférence de Rio par un académicien brésilien. Ce texte dénonce « l’émergence d’une idéologie irrationnelle qui s’oppose au progrès scientifique et industriel et nuit au développement économique et social ». Affirmant « la responsabilité et les devoirs de la science envers la société dans son ensemble », les signataires mettaient en garde les autorités contre « toute décision qui s’appuierait sur des arguments pseudo scientifiques ou sur des données fausses ou inappropriées ». Ils concluaient que « les plus grands maux qui menacent notre planète sont l’ignorance et l’oppression et non pas la science, la technologie et l’industrie » dont les instruments « sont des outils indispensables » qui permettront à l’humanité de venir à bout de fléaux tels que la faim et les pandémies.
Stratégie d'environnement ou de Développement Durable
Les changements climatiques représentent un multiplicateur de menaces qui exacerbe les tendances, les tensions et l'instabilité existantes.
Même si la contribution de l'Afrique au problème du changement climatique est insignifiante, elle demeure le continent le plus durement frappé par les impacts négatifs. Les cycles météorologiques tropicaux qui dominent l'Afrique rendent le climat fortement variable dans les conditions actuelles. Cette variabilité climatique accrue, couplée avec la très grande dépendance des économies africaines à l'agriculture et la consommation directe des ressources naturelles, y crée un potentiel élevé pour que le changement climatique global ait des conséquences dramatiques.
Des températures plus chaudes pourraient ainsi faciliter la recrudescence de maladies à transmission vectorielle comme le paludisme ou des maladies concernant l'hygiène comme le choléra, atteignant des zones jusqu'ici épargnées.
Le changement climatique imposera également un coût important pour l'économie, le développement humain et l'environnement. Les infrastructures de transport pourraient souffrir à cause de la destruction des routes, des ponts, des lignes de chemin de fer, des voies navigables, des ports affectés par l'élévation du niveau de la mer et du transport aérien perturbé par l'augmentation des précipitations ou le mauvais temps.
Les modifications de la végétation, le manque d'eau, l'érosion des plages et les hautes températures auront un impact négatif sur la faune, la flore et le tourisme. Le changement climatique pourrait également bouleverser le potentiel d'hydro-électrique du continent, ou modifier le taux de croissance des arbres utilisés pour le bois de chauffe.
L'agriculture, qui reste vitale pour la survie de la majorité des Africains, risque de souffrir particulièrement de la variabilité et du changement climatiques. Les industries de pêche pourraient aussi être affectées par des changements de températures des mers, les inondations et les sécheresses.
Enfin, le réchauffement peut déstabiliser les Etats les plus fragiles, s'ils ne parviennent pas à y faire face, et favoriser la radicalisation politique. Il risque aussi d'attiser les ressentiments entre les principaux responsables des changements climatiques et ceux qui seront les plus touchés.
Tous ces impacts défavorables déclencheront probablement des migrations spontanées dans certaines régions du continent en guise d'option d'adaptation. Ces migrations environnementales pourraient se traduire par une augmentation du nombre de conflits dans les régions de transit et de destination.
Malgré les progrès enregistrés ces dernières années, l'Afrique reste un donc continent très vulnérable qui risque de subir de plein fouet les impacts du changement climatique. Même si la population africaine est en partie capable de s'adapter, elle ne saurait affronter le défi considérable qui se dresse devant elle sans l'aide des pays en voie de développement qui contribuent pour la grande majorité des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Ces derniers doivent donc résolument maîtriser leurs émissions et fournir les ressources financières et techniques nécessaires pour permettre à l'Afrique de s'adapter au changement climatique. Sans cela, des conflits ne manqueraient pas de se développer en menaçant l'équilibre de la région.
2° Partie: L'aide au developpement durable;
2° Partie: L'aide au developpement durable;
I -DU FINANCEMENT DE L’AIDE
Bien que largement axé sur la contestation de la générosité et de la motivation des donneurs, le débat actuel porte tout aussi bien sur la mise en avant de conditions sélectives d’octroi de l’aide stratégique au développement.
11- Nature et Répartition
Accusant une baisse soutenue surtout au niveau des flux publics, l’aide stratégique au développement se définit dans sa répartition par rapport aux intérêts stratégiques disparates des contributeurs.
En fait, l’aide stratégique au développement recouvre un ensemble de ressources apportées soit directement d’Etat à Etat (on parle alors d’aide stratégique bilatérale), soit par les organisations multilatérales. L’éventail des opérations va de l’aide stratégique alimentaire à la coopération technique en passant notamment par les financements d’infrastructures, les programmes éducatifs, les remises de dettes. Même si les 2/3 de l’aide stratégique prenne la forme de transferts bilatéraux, les organisations multilatérales demeurent très souvent les mieux à même de mener sur le long terme des programmes de grande ampleur, correspondant davantage aux besoins des pays destinataires. Aujourd’hui interviennent dans le cadre des Nations unies, des institutions spécialisées comme le PNUD, l’UNICEF, le PAM (programme alimentaire mondial), la BM et le FMI.
L’Union européenne (UE) et le CAD (comité d’aide stratégique au développement) de l’ OCDE (organisation de coopération et de développement économique) sont aussi des acteurs essentiels. Les pays de l’ OCDE s’étaient engagés en 1964, lors de la première conférence des nations unies pour le commerce et le développement (Cnused), à consacrer 1% de leur PIB à l’aide stratégique au développement. Cet objectif fut ramené à 0.7% à RIO DE JANEIRO en 1972. Pourtant, à l’exception des Etats scandinaves et des Pays bas, les 21 pays membres du CAD n’ont jamais tenu cet engagement. De 1970 à 1990, ils ont transféré 0.35% de leur PIB vers les pays en développement (PED).Cette part est même tombée à 0.27% en 1995.
Si les pays donneurs se montrent dans l’ensemble moins généreux depuis quelques années, les comportements demeurent en la matière nettement contrastés. Ainsi les coupes des flux d’aide stratégique publique au développement en provenance des Etats-Unis et de l’Italie ont été compensés parla hausse de ceux venant du Japon en 1995. Avec 7.4 milliards de dollars les Etats-Unis sont passés au 4° rang des donneurs derrière le Japon (14.5 milliards), la France (8.4 milliards) et l’Allemagne (7.5 milliards), en dépit des coupes dans les programmes d’aide stratégique dans ces derniers pays.
Le recul récent de l’aide stratégique au développement, notamment bilatérale, sur la scène internationale reflète entre autres les tentations de repli sur soi des Etats-Unis, et marque à l’inverse la volonté du Japon de s’affirmer. La France, quant à elle, parvient à maintenir à peu près constante sa part dans l’aide stratégique au développement internationale. Les contributions des donneurs arabes sont également tombées à leur plus bas niveau depuis longtemps, à moins de 1 milliard de dollars. Le Koweït, l’Arabie Saoudite et le Emirats arabes Unis sont toutefois demeurés des contributeurs de premier plan, avec plus de 1% de leur PIB. Au nombre des autres donneurs non- membres du CAD, on retiendra la Grèce, la Turquie et la Corée du Sud. Cependant le débat concerne surtout les pays industrialisés du Nord, membres du CAD. C’est donc plus des rapports Nord-Sud qu’il est question.
Pour l’ensemble des membres du CAD, la part de l’aide stratégique rapportée au PIB est tombée à son plus bas niveau depuis 45 ans à 0.27%, loin de l’objectif de 0.7% fixé par les Nations Unies en 1970. Cette part a chuté dans 13 des 21 pays membres du CAD. Le recul des engagements des pays donneurs transparaît également à travers les difficultés à reconstituer les fonds d’aide stratégique multilatérale, en particulier l’Association internationale pour le développement (AID). Créée en 1960, elle accorde des crédits à des conditions très favorables (40 ans, commission de 0.75%, 10 ans de différé) aux pays à faible revenu qui n’ont pas accès aux prêts de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD). Cependant, elle dépend essentiellement des contributions de ses pays donateurs.
Un certain nombre de facteurs sont avancés pour expliquer cette évolution négative. Il s’agit tout d’abord de ceux liés à la conjoncture interne des pays donneurs, et notamment des difficultés budgétaires ponctuelles dans bon nombre d’entre eux. Dans ce contexte, les gouvernants justifieraient d’autant moins facilement l’aide stratégique auprès des opinions publiques. Un deuxième facteur d’explication tient aux profonds bouleversements intervenus sur l’échiquier international après la chute du Mur de Berlin et l’apaisement de l’affrontement Est-Ouest. En effet, l’impact de l’aide stratégique sur le développement économique et social des pays pauvres pouvait sembler plutôt secondaire au temps de la guerre froide, car le Tiers-Monde constituait plutôt un champ d’affrontement entre les deux blocs. Dans ce contexte, des objectifs politiques (zones d’influence) étaient prioritaires. Avec la disparition des tensions entre les deux grandes puissances, l’une des logiques qui sous tendait l’aide stratégique au développement a perdu de son sens. Certes quelques objectifs stratégiques demeurent, au grand damne des PED, et comme en atteste l’exemple d’Israël, pays riche qui continue cependant de bénéficier de la «générosité » des Etats-Unis. Toutefois, d’aucuns soutiennent que loin d’être la règle, ils ne sont plus que l’exception aujourd’hui.
Outre les considérations morales, les logiques strictement économiques ont gagné en importance ; or ces arguments ne plaident pas de manière évidente en faveur de l’aide stratégique au développement. Dans le meilleur des cas, ils peuvent conduire à un redéploiement de l’aide stratégique en faveur des seuls pays où il est de l’intérêt économique des pays donneurs d’être présents.
Il apparaît toutefois que les flux privés suivent des évolutions inverses. En effet, les flux publics qui représentaient en 1985 la moitié des flux de capitaux vers les PED, n’en constituent plus aujourd’hui qu’un tiers. En 1995, les investissements privés directs ont atteint la somme record de 160 milliards de dollars2. L’aide stratégique fournie par les pays membres du CAD a régressé de 9% de 1994 à 1995. Quant à la France, sa contribution a baissé de 12% pendant la même période.
Par ailleurs, loin d’atténuer les inégalités, l’intensification des flux de capitaux n’a fait qu’accentuer l’hétérogénéité du tiers monde. Les bouleversements géopolitiques jouent également leur rôle dans cette situation. Avec la disparition de l’antagonisme Est-Ouest, l’intérêt stratégique de l’aide stratégique aux pays du Sud est moindre. Les pays de l’Est, autrefois pays donateurs, sont devenus des réceptacles de l’aide stratégique internationale. L’aide stratégique publique des pays de l’OCDE aux PECO-NEI n’a cessé d’augmenter, passant de 7.5 milliards de dollars en 1994 à 8.2 milliards de dollars en 1995. Dans ce cadre, une bonne partie de l’aide stratégique continue d’être accordée à des pays à revenu intermédiaire qui n’en ont pas besoin.
Une comparaison entre l’Afrique et l’Asie éclaire sur les différences de modalités de financement entre régions, et sur les disparités entre pays. En 1995, bien que les pays d’Afrique sub-saharienne aient reçu à peu près le m^me montant de capitaux que les pays asiatiques les plus pauvres (22 et 24 milliards de dollars respectivement3), les situations des deux régions étaient fondamentalement différentes. Les flux à destination des pays africains, en net recul en termes réels depuis dix ans, étaient constitués presque exclusivement d’aide stratégique officielle, et surtout de dons. Dans le cas des pays asiatiques, l’essentiel des flux (50% environ), qui s’inscrivent en nette hausse en termes réels depuis dix ans, sont de source privée. En outre en Afrique, l’essentiel des flux est concentré sur un tout petit nombre de pays, essentiellement producteurs de pétrole : Angola, Nigeria, Gabon, Cameroun, Afrique du sud. L’Amérique latine et l’Europe de l’Est concentrent quant à elles des prêts multilatéraux accordés par la Banque interaméricaine de développement dans le premier cas, et par la Banque européenne d’investissement dans le second.
Dans cette répartition, au-delà de la crédibilité ou de la faiblesse des bénéficiaires, prévalent des liens historiques, coloniaux et amicaux. Dans un monde marqué par une interdépendance croissante des économies, l’aide stratégique économique s’inscrit nécessairement dans une démarche politique : réduire les inégalités entre le Nord et le Sud, et accompagner les changements qui se sont opérés à l’est contribuent également à asseoir la stabilité du système international.
Cet aspect était déjà présent dans le plan MARSHALL, mis en place pour lutter contre la propagation du communisme dans des pays considérablement affaiblis par les destructions de la Seconde Guerre mondiale. Fort logiquement, chaque pays donateur privilégie donc toujours une sphère d’influence pour dispenser son aide stratégique : Israël et l’Egypte sont devenus les premiers destinataires des transferts américains ; le Japon, aujourd’hui premier dispensateur d’aide stratégique publique, a consacré aux Etats asiatiques 61.3% du montant global des ressources allouées en 1995 aux PED.
Les pays donateurs attendent également des retombées économiques de l’aide stratégique qu’ils fournissent. Cette aide stratégique est dite «liée ». Elle est accordée à condition que le pays destinataire importe biens et services du pays donateur. Elle représente toujours, malgré une baisse substantielle, environ 1/3 de l’aide stratégique internationale globale. Au-delà de cette dérive, elle retourne indirectement vers son origine, par le remboursement de la dette publique, ou par la création de nouveaux marchés, investis plus facilement par les entreprises des pays donneurs. Des études montrent que cette aide stratégique se trouve ainsi amputée de 25% de sa valeur, et il est également admis que le déliement de l’aide stratégique bilatérale en renforcerait l’efficacité.
Ceci explique l’augmentation progressive de l’aide stratégique bilatérale. Ainsi la France accorde 69% de son aide stratégique à l’Afrique. Quant au Japon, premier contributeur mondial, il intervient surtout en Chine, aux philippines, en Thaïlande. Enfin les Etats unis accordent leur aide stratégique surtout en Amérique latine.
Ainsi selon certains experts de la BM : « les intérêts stratégiques des donateurs ont souvent pesé sur la répartition effective de l’aide. Malgré des différences de comportement entre donateurs, l’ensemble de l’aide stratégique bilatérale a privilégié les anciennes colonies et les alliés politiques plutôt que les économies ouvertes ou les démocraties. Une ancienne colonie non démocratique reçoit environ deux fois plus d’aide stratégique qu’un pays démocratique non colonial4 ».
La grande disparité entre les résultats de ces différents modes d’octroi de l’aide stratégique a donc posé et renforcé la question de la détermination de critères d’octroi.
12- La conditionnalité de l’aide
D’inspiration anglo-saxonne et destinée à garantir une utilisation optimale de l’aide, la conditionnalité souffre de quelques contradictions qui en limitent la portée.
Si l’aide stratégique publique peut paraître nécessaire pour financer les efforts d’ajustement qui sans cela pourraient être ni efficaces, ni surtout soutenus, elle ne constitue pas pour autant une garantie que ces efforts seront menés à bien. Le versement de l’aide stratégique peut même avoir un effet exactement inverse de celui escompté. Il peut alors décourager les efforts en réduisant l’urgence et la nécessité. Il s’agit là de nouveau d’un problème d’ordre moral.
Le recours au principe de la conditionnalité, censé résoudre ce problème, veut que le versement de l’aide stratégique soit soumis notamment à la mise en place de politiques définies d’un commun accord entre les bailleurs de fonds et les pouvoirs publics concernés, et qui sont censées aller dans le bon sens de l’ajustement économique recherché. Aujourd’hui, d’autres formes sont sur la sellette comme la conditionnalité démocratique, qui impose la mise en place d’institutions démocratiques ou encore la conditionnalité écologique, qui exige la mise en œuvre de politiques favorables à l’environnement. A ce sujet, le président américain M GW BUSH affirmait : « les nations développées ont le devoir de partager la richesse, mais aussi d’encourager les sources qui produisent la richesse : la liberté économique, la liberté politique, l’Etat de droit et les droits de l’homme5 ». Le président français, M CHIRAC a reconnu pour sa part des divergences d’approches entre américains et européens ; les derniers préférant donner la priorité à la prise en compte des besoins réels locaux. Cette vision est soutenue par les PED à quelques exceptions près. Ainsi, M OUALALOU, ex ministre marocain de l’Economie et des Finances soutenait qu’il fallait «améliorer les gouvernances nationales et encourager l’émergence d’une gouvernance mondiale 6».
La réussite des nouveaux pays industrialisés d’Asie, continent qui recevait la plus grande part de l’aide stratégique internationale jusqu’aux années 1970, témoignerait de l’utilité de cette aide stratégique lorsqu ‘elle s’inscrit dans une politique cohérente et volontariste de développement. La politique engagée en faveur des pays de l’Est en transition tend également à montrer que l’aide stratégique internationale demeure essentielle pour atténuer les inégalités sociales engendrées par la croissance économique et les ajustements de structure.
Toute la question est, bien entendu, de savoir si les politiques préconisées sont bien les bonnes. En effet, l’application de ce principe imposé notamment par les Anglo-saxons et les institutions multilatérales, est aussi censée aider à attirer d’autres flux de capitaux, dans la mesure où elle constitue une garantie de vertu, ou tout au moins de rigueur économique qui devrait donner confiance à d’autres donneurs éventuels, en particulier privés. Il semble toutefois que l’efficacité de la caution des institutions de Bretton-Woods en tant que catalyseur de flux privés notamment demeure théorique, et soit restée pour le moins restreinte dans la réalité.
Néanmoins ces institutions demeurent confiantes dans ce principe à l’instar de leurs dirigeants ; « les pays bénéficiaires doivent se doter de politiques et d’institutions de plus en plus saines7 » a écrit M J STIGLITZ, premier vice président et économiste en chef de la BM. D’après des spécialistes adeptes de ce principe, dans un pays bien géré, une aide stratégique correspondant à 1% du PIB permet de réduire la pauvreté de 1%, et la mortalité infantile d’une proportion similaire. Selon un rapport de la BM, l’anti-exemple serait le cas de la RDC,République démocratique du Congo(ex Zaïre) où du temps de feu MOBUTU SESE SEKO, les apports massifs d’aide stratégique étrangère injectés dans le pays pendant plusieurs décennies n’ont laissé aucune trace de progrès. « La RDC n’est que l’un des pays où les apports réguliers d’aide stratégique ont ignoré, voire encouragé, l’incompétence, la corruption, et les politiques malencontreuses8 ».
Le même rapport révèle qu’en augmentant les flux d’aide stratégique annuels de 10 milliards de dollars, soit d’un montant inférieur à celui qui serait nécessaire pour porter à nouveau ces flux à leur niveau de 1990, on permettrait à 25 millions de personnes de plus d’échapper à la pauvreté en ciblant les ressources supplémentaires sur les pays pauvres dont la gestion économique est jugée satisfaisante. Toutefois, continue le rapport, le même montant de 10 milliards de dollars d’aide stratégique accordé sans discrimination, comme c’est généralement le cas à l’heure actuelle, ne permettrait de sortir que 7 millions de personnes de la pauvreté. Et M D DOLLAR9 de déclarer : « les pays bailleurs de fonds pourraient repartir leur aide stratégique plus efficacement en consacrant une plus grande part aux pays pauvres qui suivent de saines politiques ». Dans ces pays, chaque dollar d’aide stratégique extérieure attirerait deux dollars d’investissement, du fait que l’aide stratégique renforce la confiance du secteur privé et aide stratégique à assurer des services publics dont les investisseurs ont besoin, notamment en matière d’éducation et d’infrastructures. Mais dans les pays où les conditions sont peu favorables à l’activité économique, l’aide stratégique n’aurait pas pour effet d’attirer les investisseurs étrangers. C’est là une des raisons pour lesquelles l’aide stratégique financière n’a guère d’impact dans les pays où les politiques et les institutions laissent à désirer.
Enfin compte tenu de la nouvelle orientation de la réflexion sur le développement, qu’est ce qui serait donc important pour la croissance à long terme ? Un environnement macro-économique stable, un régime d’échanges ouvert, des droits de propriété garantis, et une administration efficace qui puisse fournir des services d’éducation, de santé. Lorsque les pays en développement appliquent ces principes de bonne gestion, l’aide stratégique financière devient un facteur important de croissance et de réduction de la pauvreté, ce qui permet d’améliorer les indicateurs sociaux au-delà de ce qu’une bonne gestion aurait, à elle seule, permis d’obtenir.
L’aide stratégique financière n’aurait donc d’effet durable que dans un climat qui favorise les investissements efficaces et la valorisation du capital humain. C’est ce que semble confirmer les comparaisons entre pays, l’analyse des réussites et des échecs de projets d’investissements financés par la BM et les études de cas consacrés à l’efficacité de l’aide. Ainsi, en classant les pays en fonction de la qualité de leur politique économique, l’aide stratégique aurait généralement un effet important dans les pays bien gérés : une aide stratégique équivalant à 1% du PIB se traduirait par un relèvement durable de la croissance de 0.5 points du pourcentage du PIB. Certains pays dont la gestion est saine et qui n’ont reçu qu’une aide stratégique d’un montant limité, ont enregistré un taux de croissance de 2.2% par habitant suivant une étude menée par la BM en 2000.
Il est difficile pourtant de savoir quels sont les aspects de l’aide stratégique étrangère qui servent le plus à promouvoir la réforme des politiques publiques. Dans les années 1990, on a pu observer une tendance mondiale à la libéralisation économique et la diffusion par les institutions de développement, d’idées sur ce qui constituent de bonnes politiques, y est certainement pour quelque chose. Les donateurs et les Fondations ont aussi joué un rôle important dans le financement de l’éducation à l’étranger des dirigeants. Le groupe formé à BERKELEY, qui a mis au point le train de réformes appliquées en Indonésie dans les années 1970, en est un exemple classique. Nombres de réformes remarquables mises en œuvre en Amérique latine dans les années 1980-1990, ont été élaborées par des décideurs et des responsables dont la formation poussée a été financée en partie par l’aide.
Il ressort même d’une étude réalisée récemment qu’il est possible de prédire la réussite (ou l’échec) des prêts à l’ajustement en examinant les caractéristiques institutionnelles et politiques sous-jacentes d’un pays, notamment si le dirigeant a été élu démocratiquement, et depuis combien de temps le gouvernement est au pouvoir. Ainsi un gouvernement réformateur nouvellement élu, a de meilleures chances de succès qu’un gouvernement autoritaire au pouvoir depuis longtemps. En matière de réforme, les nouvelles administrations affichent généralement un taux de réussite élevé et méritent donc d’être soutenues. C’est souvent le cas des gouvernements qui prennent leurs fonctions lorsqu’un pays sort d’un conflit.
Il s’ensuit que la conditionnalité a peu de chances d’entraîner une réforme durable en l’absence d’un fort mouvement intérieur favorable au changement. Lorsque l’électorat d’un pays est foncièrement attaché à la réforme, les prêts à l’ajustement et à l’aide stratégique étrangère peuvent contribuer à asseoir plus solidement les acquis de la politique économique de trois manières. D’abord, les prêts conditionnels permettent à une administration prête à la réforme de s’engager publiquement à modifier concrètement ses politiques. Ensuite, la conditionnalité est un gage de crédibilité du programme de réforme pour e secteur privé, ce qui devrait inciter les investisseurs à réagir plus rapidement. Enfin, l’aide stratégique stimule la croissance dans un cadre directif favorable. Dans les pays où les réformes progressent rapidement et ont déjà permis d’améliorer le cadre de politique économique, l’aide stratégique financière aura donc un fort impact et pourra à son tour contribuer à renforcer l’appui politique aux réformes. Certains bailleurs de fonds auraient peu à peu compris cette leçon. Les faits montrent en tout cas qu’ils font preuve de plus de discrimination dans leur aide stratégique à l’appui des réformes. Pour la période allant de 1990 à 1995, le taux de réussite des prêts à l’ajustement de la BM est passé à 76% contre67% avant 1990. Ce taux est tout de même jugé insuffisant par la majorité des PED.
C’est pourquoi, il serait essentiel de savoir combiner et synchroniser les apports d’idées et de financement si l’on veut appuyer efficacement les réformes de politique économique. Les donateurs pourraient tenter de susciter une dynamique de réformes dans les pays qui en sont dépourvus grâce à un travail d’analyse, des actions de formation ou une assistance technique. Ce type d’assistance non financière reste important au stade de l’élaboration et du renforcement des plans de réforme. Il faut aussi savoir exactement quand fournir des financements à grande échelle. Si l’on intervient trop tôt, on peut compromettre la mise en place d’un programme cohérent, le financement ayant peu de chances d’influer véritablement sur la croissance. Si l’on intervient trop tard, on manque l’occasion d’intensifier l’effet de la réforme sur la croissance et de contribuer à asseoir plus solidement l’action du gouvernement. Lorsqu’ils décident du calendrier d’aide, les donateurs devraient tenir compte des progrès de la réforme, mais aussi des principaux indicateurs qui laissent présager la réussite de la réforme (par exemple un gouvernement nouvellement élu). La conditionnalité aurait donc toujours sa place, en ce sens qu’elle permettrait aux autorités de persévérer dans la réforme et d’en indiquer le sérieux.
Enfin, les bailleurs de fonds doivent être prêts à réduire leur aide stratégique aux pays qui ne parviennent pas à améliorer leur secteur public. Bien qu’il soit difficile de retirer son soutien à un pays, tenter de s’accommoder d’un secteur public déficient ne peut, selon toute vraisemblance, rien donner de bon ou de durable. Dans ce cas, l’aide stratégique des donateurs doit moins viser à fournir des fonds qu’à appuyer des activités qui, à la longue, peuvent jeter les bases d’une réforme des institutions et des politiques publiques. Là encore, il s’agit de fournir des idées avec juste le financement nécessaire pour les réaliser. On part du principe que la situation de chaque pays étant différente, il faut recourir à différents instruments de soutien. Le rapport de la Banque mondiale cité plus haut va même jusqu’à soutenir que « l’un des principaux défis en matière de développement pour les années 2000 est de faire en sorte que l’Etat fasse correctement ce qu’il est censé faire »
Cette conditionnalité semble toutefois ne pas être ébranlée en dépit des critiques souvent acerbes notamment au sujet des PAS (politiques d’ajustement structurel), provenant des PED, et des Européens à un moindre égard. Les différents bailleurs restent donc fidèles à leurs stratégies globales d’octroi de l’aide.
13-Des efforts européens au repli américain
Alors que l’UE affiche une volonté d’accroissement de l’aide, le repli américain derrière des critères de sélection pour l’octroi de fonds continue de susciter des remous.
Principal donneur multilatéral après la BM, l’ UE se classe au 5° rang des donneurs du CAD avec des versements nets de 5 milliards d’euros par an en moyenne. Son programme est de plus extrêmement libéral puisque plus de 90% des versements bruts de fonds publics communautaires sont effectués sous formes de dons. En tout, plus de 55% de l’aide stratégique allouée entre 41990et 1995 l’a été aux pays d’Afrique sub-saharienne, jugés les plus nécessiteux. Les Européens privilégient plutôt les besoins des populations quitte à ce que ce soit au détriment quelque peu de la bonne gouvernance.
C’est essentiellement à travers le Fonds européen de développement (FED) que ces fonds sont versés, notamment dans le cadre de la Convention de LOME, aujourd’hui Convention de COTONOU. L’aide stratégique accordée dans ce cadre représente 60% de l’aide stratégique communautaire. Elle a pour objet de garantir aux 70 Etats ACP (Afrique-Caraibes-Pacifique) en développement et partenaires de la Communauté, une assistance stable et programmée dans le temps grâce à divers instruments originaux. Cette convention prévoit d’une part une concertation systématique sur une base paritaire entre les différentes parties, ainsi qu’un certain nombre d’instruments spécifiques d’intervention. Ces instruments comprennent un mécanisme de stabilisation des recettes d’exportation (Stabex), un mécanisme particulier pour le secteur minier (Sysmin), ainsi que le Protocole sucre. La convention révisée a abouti à un contenu politique plus accentué, à un soutien à la compétitivité économique et commerciale des produits ACP, et à un plus grand souci d’efficacité et de cohérence. Le tout reflétant en cela la conviction que l’aide stratégique doit être conçue comme une entreprise de partenariat. En d’autres termes, les Européens défendent le principe du « Trade and Aid », c’est-à-dire les échanges en même tant que l’aide, ce à quoi les Américains opposent le « Trade not Aid », échanges tout court.
D’autres programmes sont également en place avec les pays du Bassin méditerranéen d’une part et les pays d’Asie et d’Amérique latine d’autre part. Le Traité de MAASTRICHT définit par ailleurs le cadre général de la politique communautaire de coopération pour le développement. L’inclusion de cette politique parmi les politiques communautaires, marque la consécration de plus de 30 ans de politique de coopération qui ont vu la croissance régulière des fonds engagés ainsi que la mise en place d’instruments de plus en plus complets et complexes.
Ainsi les seuls pays qui satisfont au critère des 0.7% du PIB fixé par les Nations Unies sont européens ; à savoir dans l’ordre : Danemark, Norvège, Pays Bas et Suède. Ils atteignent globalement 1% de leur PIB. Des Etats comme l’Espagne et le Portugal ont considérablement accru leurs efforts d’aide stratégique pour passer respectivement de 0.09% et 0.03% à 0.27% et 0.24% de leur PIB en 199710.
Dans ce concert, la France reste le seul grand pays qui accorde plus de 0.45% de son PIB à l’aide stratégique dont plus des ¾ sous forme bilatérale. Pour ce qui concerne l’aide stratégique publique multilatérale de la France, elle est à peu près également répartie entre l’UE et les agences multilatérales d’aide stratégique au développement (groupe BM et agences spécialisées des NU). Elle contribue en outre au renforcement des ressources des institutions financières internationales.
Toutefois, une grande part de cette aide stratégique demeure liée. Cela tient probablement au fait la coopération technique constitue une part importante des interventions françaises dans les PED. La part des dons est aussi parallèlement en hausse. En effet, depuis le Sommet francoafricain de la Baule en 1990, l’aide stratégique française aux PMA, non-destinée au secteur privé, s’effectue entièrement sous forme de dons. L’Afrique avec 69%, l’Asie et l’Océanie avec 20% sont les deux principales zones d’intervention française. L’engagement prioritaire de la France en Afrique est lié à des raisons historiques évidentes. Ce sont avant tous les principaux partenaires commerciaux des pays qui sont systématiquement privilégiés. Ainsi en 1995, la Côte d’Ivoire par exemple a reçu plus de 8% du total de l’aide stratégique française au développement. Quant aux chiffres de l’Océanie, ils sont dus au fait que la France accorde près de 10% de son aide stratégique à ses Territoires d’Outre mer que sont la Nouvelle Calédonie et la Polynésie française.
Outre sa contribution aux programmes multilatéraux, la France finance elle-même ses propres programmes d’ajustement structurel à destination de certains «pays du champ » (Afrique francophone essentiellement). Depuis 1993, les PAS (programmes d’ajustement structurel) ne peuvent plus concerner que des pays bénéficiant d’un programme avec le FMI. C’est donc une logique de conditionnalité qui semble se substituer à la logique philanthropique. Cette modification reflète en outre le désir des autorités françaises d’améliorer la coordination entre leurs propres interventions et celles des institutions financières internationales.
Même si l’on peut parler d’une certaine inflexion en faveur de la conditionnalité, et comme en a témoigné le débat sur la reforme du Ministère de la Coopération en 1997-1998, la France n’a pas rompu avec le passé. Son engagement vis-à-vis des PED est jugé élevé, tout du moins plus résolu que celui des Etats-Unis par exemple.
Principaux fournisseurs d’aide stratégique au lendemain de la deuxième guerre mondiale à travers le plan MARSHALL, l’aide stratégique américaine a baissé de 25% entre 1985 et 1995. Le budget américain d’aide stratégique de 1996 était le plus faible de l’histoire des Etats-Unis. En dépit des coupes déjà effectuées et des réussites des projets de l’USAID, les pressions, notamment du Congrès, continuent de s’exercer sur les autorités pour réduire l’aide stratégique accordée aux PED. En 1997, l’aide stratégique publique américaine ne représentait plus que 0.08% du PIB américain, soit le niveau le plus bas jamais atteint, et le résultat le plus faible parmi les membres du CAD.
Les perspectives ne sont pas plus reluisantes, puisque la contribution américaine est estimée entre 10 et 15 milliards de dollars par an d’ici 2007. Cela est fort peu, en comparaison notamment avec le Japon qui contribue autour de 14 milliards de dollars par an depuis 1995(14.5 milliards de dollars). Enfin, lors du Sommet de MONTERREY le secrétaire général de l’ONU, M KOFFI ANNAN fort soutenu par les PED et les Européens, avait proposé un accroissement de l’aide stratégique de 50 milliards de dollars par an pour atteindre les objectifs du millénaire11. Ce serait sur opposition américaine que cette disposition n’aurait pas figurée dans le texte final du sommet dit «consensus de MONTERREY ».
Ainsi, il ressort que l’aide stratégique au développement est avant toute mise en question au sujet de son volume, sa répartition géographique et sa conditionnalité au-delà des efforts disparates des donneurs.
Toutefois le débat est encore plus ardu quant à sa refondation.
2- Repenser l’aide stratégique au développement
Au delà de l’inadaptation des programmes des bailleurs de fonds, les PED sont interpellés sur la gestion contre productive de l’aide stratégique dont on déplore le dévoiement actuel à des fins humanitaires.
21- Une aide stratégique gaspillée :
Bien que l’affectation des ressources conditionne la réussite, il n’en demeure pas moins que la qualité de leur utilisation est encore plus déterminante.
Au tout début de l’aide stratégique au développement, l’Etat était considéré comme l’agent de changement prévéligié. Le marché intérieur des pays en développement était considéré comme inexistant et incapable de croître. Les marchés internationaux étaient viciés par l’association avec le colonialisme, ainsi que l’effondrement des cours des produits de base et du marché du crédit lors de la grande dépression des années 30.dans l’enthousiasme de l’indépendance dans de nombreux pays en développement, les nouveaux gouvernements étaient considérés avec optimisme comme des agents de changement politique social et économiques.. Les responsables, les dirigeants et les élites des pays nouvellement indépendants présentaient à leur peuple le développement comme la solution de tous leurs problèmes.
Les jeunes Etats ont tenté l’aventure avec maladresse et souvent avec une violence et une énergie desésperée. Le projet developpementiste était même la seule légitimité avouée des élites au pouvoir. Ce pouvoir des Etats était pris dans d’insolubles contradictions. Ils ne pouvaient ni dédaigner le développement ni le construire. Ils ne pouvaient en conséquences, ni refuser d’introduire ni réussir à acclimater tout ce qui participe à la modernisation : l’éducation, la médecine, la justice, l’administration et la technique.
Les freins, les obstacles et les blocages de toute nature rendaient peu crédible la réussite d’un projet qui implique d’accéder à la compétitivité internationale. Il s’agit alors de la mauvaise gouvernance, de la corruption et de la mauvaise gestion des aides soient publiques ou gouvernementales.
Dans ce sens, la communauté internationale devrait appuyer dans une optique à plus long terme les efforts déployés par les pays en développement notamment africains, les pays les moins avancés, les petits pays insulaires en développement sans littoral et de transit, ainsi que les pays en transition, pour évoluer vers un mode de gouvernement efficace, en prévoyant notamment d’augmenter les ressources d’assistance technique pour la création des institutions.
Aussi, la médiocrité des performances économiques dans bon nombre de pays ayant reçu des flux massifs d’aide stratégique laisse planer des doutes de l’efficacité de celle-ci comme moteur de la croissance, et plus, largement, du développement. Déjà abordée, notamment à l’occasion du 50 anniversaire des institutions de BRETTON –WOODS, la question du bien fondé et de l’efficacité de l’aide stratégique au développement est réapparue récemment dans les débats économiques, notamment avec la publication de nouvelles études mettant en évidence la faiblesse des liens entre flux d’aide stratégique et croissance économique.
Les changements majeurs intervenus dans l’environnement international depuis le début de la décennie ont influencé les enjeux et les orientations de l’aide stratégique au développement en réduisant les motivations de certains donneurs. L’aide stratégique devrait appuyer l’action des pouvoirs publics, de manière à encourager les reformes entreprises par des réformateurs crédibles. l’expérience montre que l’octroi par les bailleurs de fonds de financements assortis de strictes conditionnalités à des pays dépourvus de dirigeants forts ne jouissant d’aucun soutien politique se traduit rarement par des changements durables.
Le fait que l’aide stratégique continue d’être acheminée vers des Etats faisant seulement mise d’introduire des reformes pose un problème majeur. Les financements à l’appui des reformes ne devraient être accordés qu’à des pays ayant de solides antécédents ou dont la situation justifie l’optimisme. Les nouveaux gouvernements de pays sortant d’un conflit sont souvent des bénéficiaires tout indiqués
.
Dans les pays qui mènent de mauvaises politiques et ou il n’existe pas de dynamique de reforme crédible, l’aide stratégique doit faciliter la tache plus modeste et de large haleine qui consiste à diffuser des idées, faire connaître l’expérience d’autres pays, former les futurs décideur et dirigeants et renforcer l’aptitude de la société civile à débattre, en connaissance de cause, des grandes orientations de l’action gouvernementale. Ces mesures sont relativement peu coûteuses et cadrent avec le principe de la fourniture du gros de l’aide stratégique aux pays qui mènent de bonnes politiques économiques.
Finalement, de point de vue conceptuel, plusieurs critiques ont été traditionnellement adressées à l’encontre de l’aide stratégique au développement. Selon certains, l’aide stratégique ne serait pas en mesure d’influencer le taux de croissance économique dans la mesure où elle serait essentiellement phagocytée par des pouvoirs publics inefficaces et incapables de mettre en place un environnement favorable à l’éclosion d’une activité économique saine. D’autre accusent les agences d’aide stratégique au développement d’imposer des politiques d’ajustement structurel (la plus part de nature standard) inadaptées aux besoin des PED ce qui expliquerait que ces politiques n’aient pas porté les fruits escomptés. Les deux types de critiques bien que contradictoires dans la mesure où les programmes d’ajustement structurel sont précisément censés s’appuyer sur des politiques de rigueur budgétaire et de libéralisation, se fondent sur une même constatation, à savoir qu’un grand nombre de pays ont reçu pendant longtemps d’importants flux d’aide stratégique sans pour autant être parvenus à réduire le niveau de pauvreté ni à lancer une dynamique de croissance.
A cet effet, les programmes d’ajustement financés par la communauté internationale devraient viser à sauvegarder l’emploi et la croissance et à minimiser leurs coûts sociaux, en particulier à ne pas accroître la pauvreté et à ne pas restreindre l’accès aux services sociaux de base. Ces programmes devraient être financé intégralement de manière à permettre une restructuration suffisante du service de la dette extérieure. A cet effet, la communauté internationale devrait continuer à étudier la possibilité de créer des mécanismes qui puissent s’ajouter aux instruments financiers et politiques existants.
Selon une autre ligne d’argumentation, plus extrême encore, l’aide stratégique serait intrinsèquement nuisible, soit qu’elle maintienne les pays destinataire dans une situation de dépendance excessive vis-à-vis des pays donateurs, soit qu’elle accroisse le rôle de l’Etat dans l’économie.
Du point de vue économique, un éventuel effet positif des flux d’aide stratégique sur la croissance n’a jamais pu être clairement mis en évidence. Il ne semble pas exister de corrélation entre le niveau de l’aide stratégique reçue (mesuré au pourcentage du PIB) et l’évolution du PIB par habitant.
Une étude récente et plus complète de la banque mondiale sur l’aide stratégique et la croissance confirme certains des résultats antérieurs tout en apportant quelques précisions importantes. Si l’étude confirme que l’aide stratégique n’exerce qu’une influence très limitée sur la croissance, elle suggère aussi qu’une éventuelle influence positive dépende de la mise en place de bonnes politiques économiques
Ainsi, l’aide stratégique au développement qui apparaissait comme un moyen de relancer l’économie des pays en voie de développement reste largement tributaire des reformes entreprises par les gouvernements et la bonne gouvernance qui suppose une cohérence entre les objectifs fixés par les donateurs et les réalités des pays bénéficiaires.
22- L’incohérence et lourdeur des programmes d’aide stratégique :
L’ignorance des réalités locales, les multiplicités et la lourdeur des intervenants seraient autant de facteurs qui rendent les programmes d’aide stratégique peu productifs.
La décennie des Nations Unies en faveur du développement est marquée par la multiplication des conférences importantes organisées par les nations unies en partenariat avec la banque mondiale, du fonds monétaire international, de l’organisation mondiale du commerce, des institutions de l’ONU, des représentants de la société civile et du secteur du commerce, représente une étape décisive en matière de lutte contre la pauvreté et d’amélioration des conditions de vie dans les pays en développement
Dans ce sens on peut citer :
- la conférence de Caire pour la population et le développement organisée en 1994.
- La conférence de Doha sur le commerce et le développement en 2001.
- Divers sessions extraordinaires consacrées au développement.
- Conférence de jouhansburg pour le développement durable en 2002.
- Conférence de Monterrey pour le développement en 2002.
.La conférence qui s’appelait la conférence sur le financement du développement (Mars 2002, à Monterrey, Mexique) vise d’avantage à mettre en place des actions concrètes qu’à établir des déclarations. Ces objectifs comprennent l’augmentation de l’investissement étranger direct (IED) et l’aide stratégique publique au développement (APD) ; la lutte contre la corruption, la réduction de la dette, un meilleur accès du marché aux pays en développement, l’établissement de politiques macro-économiques Saines et le renforcement de la coopération fiscale internationale.
Les pays donateurs en particulier les 22 Etats membres de l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE), insistent pour que des fonds soient utilisés de manière plus efficace dans les pays qui reçoivent l’aide stratégique afin de lutter contre la corruption et améliorer la gouvernance. Tant que les pays en développement n’auront pas amélioré leur performance dans ces domaines un grand nombre de pays donateurs ont pris la décision de ne pas augmenter l’APD.
De leur coté, les pays bénéficiaires déclarent que les donateurs ne satisfont pas à plusieurs engagements pris lors de déclarations antérieures. Ils demandent une réduction plus importante de la dette et dans les délais les plus courts, tandis que la Banque mondiale considère que la croissance économique comme le facteur le plus important. Compte tenu de la baisse constante de l’ADP, qui est passée de 0,35 % du revenu nationale en 1999 à 0,22 % en 2000, les pays en développement demandent une augmentation de l’aide stratégique financière. Ce pourcentage va à contre de l’objectif adopté par les Etats membres, qui était d’accorder 0,7 % de leur revenu national à l’APD. En effet, sur les 22 pays donateurs de l’OCDE, seuls cinq d’entre eux ont satisfait à cet objectif. En 2000, le montant total de l’APD s’élevait à 53,7 milliards de dollars, et selon les estimations de la banque mondiale, ce montant annuel devrait être multiplié par deux pour satisfaire, d’ici à 2015, aux objectifs du développement
Autres questions épineuses : l’accès des PVD aux marchés occidentaux. Les critiques font que valoir que les membres de l’OCDE protégent leurs marchés agricoles et ceux du textile en accordant aux agriculteurs d’importantes subventions et en imposant des prix d’imputation élevés pour les textiles et les produits agricoles. Un accès ouvert à ces produits apporterait chaque année plusieurs milliards de dollars de revenus supplémentaires aux pays en développement.
Par ailleurs, l’aide stratégique financière donne des bons résultats lorsqu’elle s’inscrit dans un ensemble de politiques cohérentes. Dans ce sens je citerai la déclaration de M SHAUKAT AZIZ ministre des finances du Pakistan « il faut que les bailleurs de fonds organisent régulièrement dans les pays en développement des réunions de concertation et de coordination avec les partenaires gouvernementaux, les collectivités territoriales et la société civile ».
Dans les pays en développement qui appliquait de bonnes politiques économiques, l’aide stratégique financière se traduit par une croissance rapide, un allégement de la pauvreté et une amélioration des indicateurs sociaux. Les effets de l’aide stratégique ne sont pas de moindre : Un accroissement de 10 milliards de dollars du volume d’aide stratégique permettrait de tirer de la pauvreté 25 millions de personnes par an si l’on ciblait cette aide stratégique sur les pays qui mènent de bonnes politiques économiques. Toutefois, pour que la contribution de l’APD soit réelle, elle doit être organisée de façons à tenir compte des deux principes fondamentaux suivants :
- elle doit venir en appui à des stratégies axées sur la réduction de la pauvreté et propre à une croissance durable.
- Elle doit être subordonnée à des politiques et à des programmes auxquels le gouvernement et la société civile des pays bénéficiaire sont parties prenantes : il s’agit ainsi d’assurer que les partenariats qui lient les bailleurs de fonds et les pays bénéficiaires, et qui doivent permettre non seulement de transférer des ressources financières et des connaissances et de mettre en place des capacités ; mais également de donner des moyens d’action aux pauvres.
Aussi, la fin de la guerre froide a eu plusieurs répercussions sur l’aide stratégique et a laissé se développer trois stratégies:
- Une stratégie altruiste
-Une stratégie qui consiste à gérer l’aide stratégique comme une entreprise
- Une stratégie basée sur le régionalisme
Pour la stratégie qui conduit au rétablissement de l’altruisme :
- premièrement, elle a donné un nouvel élan à l’aide stratégique humanitaire qui est la forme la plus altruiste, aux dépens de l’aide stratégique au développement.
- deuxièment, elle a conduit à une décentralisation de l’aide stratégique favorisant son acheminement au travers d’organismes tels que les ONG dont le profit altruiste n’a fait l’objet d’aucun compromis.
- troisièment , elle a entraîné le démantèlement de l’aide stratégique au développement en termes de structures idéalistes- altruistes : les femmes et le développement- la santé des enfants – l’environnement – la lutte contre la pauvreté ; sont autant d’exemples de désignation démantelées autour desquels s’organise et e justifie l’octrois de l’aide
- Enfin, elle a suscité une intellectualisation de l’aide stratégique dans le but spécifique d’un resserrement de ses objectifs. Le concept de développement durable, l’indice de développement humain du PNUD et diverses expériences de gestion plus transparentes des projets sont autant de moyens conçus pour polariser et soutenir les intentions altruistes qui sous tendent l’aide.
Pour la deuxième stratégie, l’aide stratégique ne se justifie qu’à partir du moment où elle assure le progrès et le développement. Elle est mesurée à partir d’outils d’entreprises : « la production »- « l’efficacité »- « l’impact et les taux de rendement ». cette stratégie a incité à rechercher de nouvelles modalités de coopérations en vue d’accroître les avantages réciproques, en transformant les liens de coopération commerciales avec les pays en développement, reste tenus tout au long de la guerre froide, en une coopération économique en rapide expansion. Enfin, elle a cherché à renforcer l’impact de l’aide stratégique sur la situation économique et les perspectives en croissances des pays en développement en ayant recours à des reformes d’aide stratégique plus ambitieuses et d’avantages structurelles.
En outre, la troisième tendance, à savoir le régionalisme est liée au processus de mondialisation. Cette approche incite les Etats géographiquement proches à former des coalitions stratégiques. Depuis la guerre froide, l’aide stratégique au développement constitue l’un des instruments privilégiés des régions riches pour affermir leur position dans le contexte global. Cette stratégie implique l’encouragement d’un régionalisme ouvert ailleurs dans le monde et d’en tirer parti pour établir des liens et des interactions favorisant ses propres influences ou hégémonie. C’est par la consolidation d’une démocratie de libre marché dans les autres pays et régions que les nations puissantes et riches à en obtenir le maximum d’avantages.
Enfin la gamme des activités d’aide stratégique devrait être adaptée à la situation de chaque pays et de chaque secteur. Même dans les pays où les institutions et les politiques sont déficientes, les bailleurs de fonds s’efforcent de trouver un projet de financement utile : la réussite ne dépend pas uniquement de l’affectation des ressources, la qualité des dépenses publiques et en effet aussi importante que leur montant. Dans les pays où l’économie est bien gérée (que se soit du point de vue macroéconomique ou de l’offre de services publics), l’aide stratégique peut d’avantage prendre la forme d’un soutien au budget, de manière à en simplifier l’administration et à réduire les frais généraux.
Dans les pays qui mènent globalement de bonnes politiques, mais dont la capacité de prestation de services est faible, l’aide stratégique fournie dans le cadre de projet doit permettre d’améliorer l’efficacité des dépenses publiques. Les pays dont les politiques sont médiocres, les services publics inefficaces ou les dépenses mal reparties ne tirent pas vraiment profit des financements fournis, et l’aide stratégique doit donc mettre l’accent sur la reforme dans ces trois domaines. De plus, les projets doivent privilégier l’acquisition et la transmission des connaissances et des capacités et doivent être axés sur l’accompagnement des changements institutionnels et politiques permettant d’améliorer l’offre des services publics.
Et aux fins de stimuler le dynamisme des entreprises dans les pays en développement, il conviendrait que les pays d’accueil , les pays d’origine, les sociétés transnationales et les organisations internationales dressent la liste des pratiques optimales qui facilitent l’élargissement et l’approfondissement des liens entre les investisseurs étrangers et les entreprises locales ; ils devraient s’attacher à recenser les meilleurs pratiques de transfert et de diffusion de la technologie et les méthodes de nature à étoffer les capacités locales de recherche et de développement dans ce sens la citation de M ANDREW NATSIOS « il faut que les PVD aient une réglementation transparente et des lois fiables pour réduire les obstacles au commerce et attirer les investissements dont ils avaient besoin pour accélérer leur développement » .
Les bailleurs de fonds doivent faire preuve de patience et de souplesse et rechercher les occasions d’encourager les efforts dans ce sens. Dans cet optique on peut citer la proposition de la commission européenne concernant l’ouverture des marchés des pays de l’EU à toutes les marchandises, sauf les armes, en provenance des pays les plus pauvres. Cette proposition comprend l’admission en franchise de droits et hors quotas des produits en provenance des 48 pays les moins avancés.
Il faut espérer que d’autres pays développés feront de même. Aussi, réunis à Gênes au mois de juillet 2001, les dirigeants du G8 ont soutenu le mécanisme de réduction de la dette de en faveur des pays pauvres très endettés » à laquelle était à ce moment éligibles 23 pays devant bénéficier d’une réduction de dette s’élevant à 53 milliards de dollars sur les 74 qu’ils devaient à leurs créanciers et toute mesure de réduction de la dette devrait s’accompagner de reformes nationales et de meilleurs politiques d’endettement. Les empruntés devraient être réellement investis dans des secteurs productifs et bénéficiant aux populations.
Ainsi, il est nettement clair que l’aide stratégique au développement ne peut être efficace que si elle est adaptée aux réalités et aux besoins des Etats bénéficiaires et qu’elle soit appuyée par la volonté des donateurs même si ces derniers ont tendance à rendre l’aide stratégique plus humanitaire.
23- l’Essor du « CHARITY BUSINESS »
La multiplication des conflits locaux et régionaux a provoqué un accroissement sensible de l’aide stratégique d’urgence au détriment d’actions à plus long terme, mais moins spectaculaire
En effet, Les nations unies consacrent désormais près de la moitié de leurs ressources à l’aide stratégique d’urgence, dont la part a également doublé dans l’aide stratégique bilatérale. Cette tendance récente s’exprime aussi dans l’implication croissante des organisations non gouvernementales, auxquelles les Etats délèguent de plus en plus les responsabilités des interventions dans les pays en développement. Or, si ces organisations peuvent répondre plus souplement aux situations de crise et développer des actions de développement très ciblées, en partenariat étroit avec les populations locales, elles ne peuvent se substituer aux acteurs publics du développement. De plus ces dernières années on assiste à la montée en puissance des dons qui s’explique par l’importance du rôle joué par la coopération technique dont la part a pratiquement doublé depuis 1975 pour atteindre 25 % de l’APD totale. Une autre explication de l’essor des dons tient aux opérations de remise de dette (dont la part est passée de 15 % du total des dons en 1985 à 10 % en 1995).
Par ailleurs, la situation internationale particulièrement troublée dans de nombreuses régions du globe qui a déclenché les opération de maintien de la paix et l’aide stratégique aux réfugiés a obligé les donateurs à consacrer 11% de l’APD à l’aide stratégique d’urgence en 1995, contre 2% en 1990. L’aide stratégique bilatérale d’urgence s’est élevée à 3 milliards de dollars en 1995 contre 1 milliard en 1990 soit plus de 80% des dons bilatéraux. L’aide stratégique multilatérale d’urgence qui est exclusivement le fait des agences des nations unies est passée d’un milliard de dollars en 1990 à 2 milliards en 1995. Les conséquences de la guerre ne se limitent pas à des vies et des sociétés brisées ; elles obligent en outre à mobiliser des ressources qui auraient pu servir au développement à plus long terme. Ces dix dernières années, les crédits dont le développement avait un besoin si désespéré ont été de plus en plus souvent détournés pour faire face à des situations d’urgence et même ainsi on était loin de pouvoir satisfaire les besoins des individus.
Les contributions des gouvernements pour le maintien de la paix et pour l’aide stratégique humanitaire d’urgence ont quintuplé, de moins de deux milliards de dollars en 1985 à près de 10 milliards en 1994, traduisant une montée de conflits qui eu un impact dévastateur sur les populations civiles, et en particulier sur les enfants.
En 1985, les crédits alloués à l’aide stratégique d’urgence et au maintien de la paix représentaient 5% du total de l’aide stratégique au développement fournie par les pays industrialisés .en 1994, la proportion était passée à plus de 16. Autrement dit, des dizaines de milliards de dollars qui auraient pu aller au développement à long terme ont servi à atténuer- partiellement- le coût humain de la guerre.
Finalement, les aides d’urgence revêtent une importance humanitaire incontestable et peuvent participer aux processus de développement dans la mesure où celle-ci n’a aucune chance d’aboutir dans un environnement politique troublé. Même si l’accroissement de la part de ces flux dans l’aide stratégique totale n’est pas nécessairement une source de préoccupation, d’autant que les flux privés peuvent prendre le relais pour le financement de certaines activités, compte tenu du niveau global limite des ressources disponibles pour aider les pays les plus défavorisés de la planète.
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