L’atrocité, la régionalisation des conflits internes , l’ inefficacité des interventions des organisations Africaines et l’indifférence de la communauté internationale sont les principales caractéristiques des conflits interethniques en Afrique .
La première évolution qu’il paraît important de relever est le caractère de plus en plus systématiquement « éradicateur » des conflits. Il semble que la défaite de l’adversaire ne suffise plus et que sa disparition totale soit recherchée. On se souvient des terribles images de famine qui avaient ravagé le BIAFRA, le Soudan et la Somalie. Ces désastres étaient jusqu’à présent une conséquence de la guerre, il semblerait qu’ils en deviennent aujourd’hui des buts. Les raisons en sont multiples ; il faut d’abord impliquer la prolifération des armes dans les zones d’affrontement entre les différentes ethnies bien mieux armées que les troupes régulières. De plus les adversaires en présence recrutent des partisans de plus en plus jeunes, les enfants deviennent ainsi des ennemis potentiels à éliminer quel que soit leur âge.
En outre, comme pour l’extension des conflits, leur aggravation est liée au manque de fermeté de l’ONU et de la communauté internationale. L’absence de réaction dans le conflit Soudanais permet aux autorités de poursuivre une politique de « purification religieuse » basée sur le massacre comme sur le déplacement de populations entières.
Quant à la régionalisation des conflits internes, elle donne lieu à la formation de zones de fuite, de repli ou d’abandon et à des possibilités de manipulation : c’est une conflictualité en spirale du local à l’international.
En effet, les conflits qui embrasent les diverses régions d’Afrique illustrent – à la différence des conflits sous régionaux internationalisés au temps de la guerre froide- une conflictualité en spirale dont les fondements se trouvent dans les sociétés et les pouvoirs politiques internes et dont les ressorts ou la dynamique vont du local à l’international. Leur nouveauté réside dans l’hétérogénéité des acteurs collectifs (rebellions, factions, forces armées régulières, milices, bandits) le caractère de plus en plus souvent civil de ces acteurs (enfants soldats, miliciens désœuvrés trafiquants) ainsi que dans l’objet de l’affrontement : non plus seulement le pouvoir, les ressources, les idéologies, mais aussi des statuts, des valeurs, des croyances.
La violence d’un conflit interne ne se dérobe pas systématiquement du territoire national, mais elle mobilise dans ce cas, par delà les frontières des forces politiques, sociales, religieuses qui se radicalisent et sont récupérées par des forces d’opposition. Les conflits internes en Afrique sont surtout la cause d’un nombre important de personnes déplacées et de réfugiés. Ces derniers atteignent respectivement 15 et 7 millions de personnes en 1996 selon le HCR.
Un degré supplémentaire de violence politique et physique est franchi avec la militarisation de camps de réfugiés Rwandais au ZAIRE par des soldats des forces armées rwandaises fuyant l’arrivée du front patriotique rwandais. Ce cas d’une armée régulière se réfugiant avec contingents, équipements et armement, et disposant par ailleurs de réserves financières provenant de la banque centrale emportée par d’anciens dignitaires, est significatif de la régionalisation d’un conflit interne. En Afrique de l’ouest, le conflit du Libéria montre au grand jour les appuis extérieurs des rebellions à l’insu ou avec la complicité des pays voisins, et leurs circuits mafieux pour entretenir des économies de guerre.
Enfin, le dernier caractère réside dans l’inefficacité des interventions africaines et de la communauté internationale. En effet, face à cette flambée des conflits interethniques, le régionalisme offre jusqu’ici peu de voies de secours. Ces institutions issues des Etats n’ont jamais pleinement fonctionné à cause de la mauvaise communication intra étatique et interétatique. De plus, avec le changement de nature de la conflictualité, les principales organisations sous-régionales se montrent incompétentes car elles sont prévues pour prévenir et régler les conflits de toutes natures. Contrairement à cela, en Europe, les organisations régionales s’intéressent pleinement aux différends qui éclatent et créent toujours un climat d’entente pour pouvoir les régler en utilisant tous les moyens adéquats.
L’Organisation de l’unité africaine (OUA) en quarante années d’existence, n’est jamais parvenue à régler elle-même un différend sérieux intra étatique ou interétatique. Néanmoins, avec la tragédie rwandaise et de l’intégration en son sein de la nouvelle Afrique de sud elle a décidé, lors de son sommet, en juin 1994 à Tunis, d’accélérer la mise en place de son mécanisme de prévention, de gestion et de résolution des conflits. La nécessité d’obtenir l’accord préalable de l’ensemble des parties en conflits, et l’absence des moyens financiers et logistiques risquent cependant de limiter sérieusement la portée pratique d’une telle décision.
Dans un monde qu’on s’est plu à d’écrire comme un village planétaire » où tout se sait tout de suite en raison de communications quasi instantanées, il aura été possible d’éliminer en quelques semaines entre 500 000 et un million de Tutsis entre le 06 avril 1994 et le mois de juillet de la même année. Cependant, cette instantanéité médiatique s’est montrée indifférente à l’égard des conflits africains. Dans ce cadre, il a fallu attendre le 18 Mai 1994, alors que les grands massacres du Rwanda étaient terminés pour qu’une photographie de « boucherie » monte à « la une » d’un quotidien. Il paraît ainsi que dans ce cas, ce n’est nullement la guerre civile, le massacre planifié des centaines de Hutus et Tutsis qui a le plus inspiré les médias, mais la liturgie humanitaire « exode, et sacs de riz, orphelins et dispensaires, humanité meurtrie et bienfaitrice, images de malheur et mouvements de sauveteur ».
Ce génocide, car il faut bien le qualifier ainsi, n’a déclenché aucune réaction internationale, à part la tardive opération Turquoise de la France qui a eu pour résultat de protéger, non seulement des survivants des massacres, mais aussi des assassins poursuivis par les Forces du Front Patriotique Rwandais.
CONFLITS INTERETHNIQUES EN AFRIQUE |
Plus significatif a été le refus de prononcer le mot génocide dans l’enceinte internationale pendant de longs mois. Ce qui se dissimule derrière cette pudeur sémantique est bien évidemment le souci des Nations – Unies, et il faut bien le reconnaître de Washington, échaudé par la fâcheuse expérience de la Somalie.
Contrairement à cela, en Europe l’ONU et notamment l’OTAN ont utilisé tous les moyens nécessaires pour régler le problème Yougoslave.
Ainsi, les conflits interethniques en Afrique se spécifient par la violence cherchant la destruction de l’adversaire et son éradication, la conflictualité en spirale du local à l’international et l’insouciance des instances africaines et internationales. Ainsi peut-on s’interroger : y a t-il des solutions juridiques à ces conflits ?