Echec Société des Nations et des enseignements a tirer
Sujette à des faiblesses qui ne tiennent pas qu’à elle, la Société des Nations aura échoué à instaurer une sécurité collective à cause des erreurs de sa conception qui, quoi qu’elles furent fatales pour elle et pour la paix mondiale, auraient servi de leçons pour l’avenir.
Faiblesses de la Société des Nations :
Ebranlée, d’emblée, par la non-ratification du Sénat américain, la Société des Nations s’est trouvée en butte à une panoplie de problèmes l’ayant soumise à rude épreuve.Echec de son universalité :
en écartant d’emblée les vaincus et non reconnue par les Américains, la Société des Nations est loin d’être une organisation universelle.Tout d’abord, le débat sur la ratification du traité de Versailles et du pacte de la Société des Nations, commence dès le retour du président américain Woodrow Wilson aux Etats-Unis, le 08 juillet 1919. Selon la constitution américaine le Sénat doit approuver le traité à la majorité des deux tiers, avant que le président puisse le ratifier. Malgré une légère majorité républicaine, Wilson était très confiant car il est persuadé que l’opinion publique américaine est, dans sa majorité, favorable à la nouvelle diplomatie et donc à la Société des Nations. Cependant au premier vote le chiffre des deux tiers n’a pas été atteint. Une négociation serait alors nécessaire avec les groupes qui se sont opposés au texte.
Or Woodrow Wilson va faire preuve d’une obstination sans borne. Il a refusé pratiquement tout amendement proposé par certains groupes. Le président américain ne veut accepter aucun compromis. Pour les républicains, la Société des Nations ne doit pas s’ingérer dans les affaires panaméricaines car la doctrine Monroe s’encharge. En plus les Etats-Unis ne doivent pas être directement impliqués dans les affaires européennes, ils ne peuvent pas accepter de faire la police dans le vieux monde. Les républicains sont les partisans de la politique isolationniste des Etats-Unis.
A cet effet, le président décide de faire appel à l’opinion publique. Il entreprendra une vaste tournée à travers le pays malgré le refus de son médecin à cause de l’état de sa santé qu’il était d’ailleurs prêt à la sacrifier pour sauver le traité. « J’espère que le voyage n’aura pas de conséquences désastreuses, mais si c’est le cas, il faut que je parte ». Cependant le soutien aux thèses wilsoniennes reste diffus et relativement peu intense. La détérioration de l’état de santé du président américain et la forte opposition de ses adversaires ont repoussé la ratification de l’ensemble des traités par 55 non contre 39 oui. Le Sénat, désavouant Wilson, a refusé donc de ratifier les traités de paix et le pacte de la Société des Nations. C’est le premier coup dur porté à cette organisation ce qui va limiter son action dans le futur en la privant d’un soutien incontournable pour sa pérennité.
Ce refus américain d’adhérer à la Société des Nations et l’absence de la majorité des pays africains et asiatiques font d’elle une organisation plus européenne que mondiale. La Société des Nations n’a été une organisation universelle que par ses ambitions. Près de la moitié des 42 signataires du pacte sont des pays européens. Ce groupe a été rejoint, dans les trois années qui ont suivi la création de la Société, par une dizaine d’Etats européens portant ainsi la participation du vieux monde au deux tiers. D’autre part, plusieurs pays n’ont pas été invités à cette organisation qui prétend défendre la paix mondiale. La Russie bolchevique et les vaincus en sont l’exemple phare.
Par ailleurs, au lendemain de sa mise en place, la Société des Nations a traité surtout les questions européennes. A commencer par le litige frontalier entre l’Allemagne et la Pologne sur la haute Silésie et la Prusse orientale. Ensuite le différend qui a opposé la Suède à la Finlande à propos des îles Aaland ou encore la tension entre la Grèce et la Bulgarie. Le champ d’action de la Société des Nations s’est généralement confiné dans l’espace européen. Beaucoup d’observateurs ont constaté que les problèmes de l’organisation découlent de l’échec de son universalité. Elle n’a pas réussi à recruter massivement en dehors du vieux continent. D’ailleurs la majorité du personnel de son administration provient des pays européens. Cette préoccupation des problèmes du continent européen allait porter une sérieuse atteinte à la Société des Nations qui sera dépréciée par les autres pays membres. Un échec qui devient patent avec les conséquences de la crise économique mondiale de 1929
La crise économique mondiale :
Jusqu’en 1929, la prospérité et ses effets bénéfiques ont permis de sauvegarder une paix qui devient de plus en plus fragile à cause de l’essoufflement de la croissance qui avait commencé bien avant le jeudi noir dont le Krach a secoué la bourse de New York. Le développement sans mesure du crédit spéculatif et la cotation exagérée des entreprises ont fait illusion. Avec l’effondrement boursier, la prospérité s’est estompée laissant la place à une crise qui affecte gravement la croissance économique du pays. Les faillites, les fermetures d’usines et les suppressions d’emploi sont au quotidien. L’ouragan financier se propage de proche en proche et ses turbulences ont vite gagné la majorité des pays européens produisant dans plusieurs pays des bouleversements politiques. Les structures sociales sont laminées à leur tour laissant régner une crise de confiance doublée d’un retour à l’isolationnisme. Les premières retombées du grippage des économies surgissent au moins un an plus tôt dans le champ des rapports interétatiques.
Par ailleurs, les grands Etats industriels dotés d’un régime autoritaire ou totalitaire, l’Italie, le Japon à partir de 1931 et l’Allemagne à compter de janvier 1933, vont s’efforcer de sortir de la crise en développant des industries d’armement. Parallèlement ils adoptent une politique isolationniste en réalisant des autarcies partielles ou totales, qui semblent devenir le remède affirmé. Cette fermeture sur soi développe des formes d’égoïsme national qui vont prendre le pas sur les accords et les ententes internationaux. Une fois encore ces nationalismes isolationnistes voire fiévreux vont l’emporter.
Les événements se sont succédés avec une grande rapidité que la Société des Nations s’est trouvée complètement bouleversée par la nouvelle donne. La crise économique a contribué à la dégradation du milieu international. Elle a annoncé, par-là, le début de la fin de la sécurité collective. Ce sont finalement les conséquences de la crise économique mondiale de 1929 qui ont le plus envenimé les relations internationales dans les années 30. En proie aux tourmentes politiques et économiques et impuissante face à la nouvelle conjoncture, la Société des Nations allait s’embourber davantage dans l’affaire de la Mandchourie.
Problème du désarmement :
Hormis le domaine naval, les divergences entre les grandes puissances ont avorté la conférence de désarmement qui s’est soldée par un retrait de l’Allemagne de la Société des Nations lui portant un coup fatal.Le désarmement général est l’objectif ultime de la sécurité collective. Dans ces quatorze points de janvier 1918, le président américain Woodrow Wilson demande que des garanties suffisantes soient données. L’article 8 du pacte de la Société des Nations prévoit le désarmement «Que les armements de chaque pays seront réduits jusqu’au plus bas niveau compatible avec la sécurité nationale et l’exécution des obligations imposées par une action commune ». Ainsi le désarmement imposé par le traité de Versailles à l’Allemagne est-il conçu comme le prélude au désarmement général. Ce dernier n’a fait de progrès que dans le domaine naval. La conférence de Washington (novembre 1921-février 1922) et celle de Londres (janvier - avril 1930) sont parvenues à fixer des plafonds aux tonnages des flottes et à établir une hiérarchie entre les principales puissances navales (Etats-Unis, Royaume-Uni, Japon, France, Italie). Quant aux travaux de la conférence préparatoire de désarmement général, commencés en 1926, ont débouché sur un constat de carence. La commission s’est heurtée au différend franco-britannique sur le principe et la manière qui devraient régir le désarmement. La Grande Bretagne, que son insularité associée à la puissance de sa flotte prémunissait de toute agression directe, était favorable à un désarmement immédiat. Elle avait peut-être l’intention d’affaiblir militairement la France, suspecte d’hégémonisme sur le vieux continent. Or la France redoute en permanence une vengeance de la part de l’Allemagne qui garde une puissance économique intacte sous tendant ses possibilités de réarmement. La France considérait donc que sa supériorité militaire actuelle était le meilleur gage de paix et de désarmement fera l’objet d’une étape ultérieure voire ultime. La Société des Nations reste donc divisée sur ce sujet malgré la participation, à titre officieux, des Etats-Unis et de l’Union soviétique à ses travaux. Le refus en 1927 par la France et l’Italie de participer à une conférence navale sur le désarmement laissait malle augurer l’avenir. A ceci s’ajoute le réarmement clandestin du Reich qui a été amorcé en 1924 par le général Von Seeckt avec la complicité à la fois du pouvoir politique et de l’aide substantielle du gouvernement soviétique.
Par ailleurs, la conférence de désarmement a été caractérisée par des divergences qui ont contribué à son échec. En effet, tous les plans qui ont été élaborés par les grande puissances, ont été refusés par l’un ou l’autre. Le 30 janvier 1933, Hitler devient chancelier du Reich. Les relations entre l’Allemagne et la France deviennent de plus en plus tendues. Dans ce contexte, l’Allemagne se retire de la conférence le 14 octobre 1933 suivi cinq jours après d’un retrait de la Société des Nations. La conférence de désarmement s’est donc soldée par un échec lamentable. Ouverte trop tardivement, à une date où la crise économique avait déjà réveillé rivalités et convoitises, elle a mis en lumière plus que tout, l’impuissance de la Société des Nations à trouver un terrain d’entente entre les grandes puissances.
Ainsi la Société des Nations a encore une fois échoué dans l’un de ses objectifs principaux. L’organisation devrait parvenir à désarmer les grandes puissances militaires pour réduire à l’avenir tout risque d’affrontement ou de confrontation. L’organisation en question s’est trouvée ébranlée non seulement par l’échec de la conférence sur le désarmement et le retrait d’un membre potentiel en l’occurrence l’Allemagne mais aussi par une nouvelle agression orchestrée par l’Italie à l’encontre d’un pays membre de la Société des Nations.
- Des erreurs de conception :
L’association de la Société des Nations aux traités de paix l’a discréditée aux yeux de plusieurs Etats dont particulièrement les vaincus qui considèrent que ces traités comme la Société des Nations sont des diktats qui doivent disparaître.
En effet pensant que la sécurité collective était le premier devoir des négociations, Wilson avait insisté dans son quatorzième point que soit mise sur pied une organisation internationale chargée du maintien de la paix. Il avait donc obtenu que le pacte de la Société des Nations soit intégré aux traités sous forme de préambule. Les cinq traités imposés aux vaincus à savoir : le traité de Versailles signé avec l’Allemagne le 28 juin 1919, celui de Saint-Germain imposé à l’Autriche le 10 septembre 1919, le traité de Neuilly faisant perdre à la Bulgarie une partie de son territoire le 27 novembre 1919, celui de Trianon faisant de même avec la Hongrie le 4 juin 1920 et enfin le traité de Sèvres annonçant le dépècement de la Turquie le 10 août 1920 comporteront tous la clause qui donne naissance à la Société des Nations. Tous ces traités ont été négociés entre les vainqueurs et surtout les quatre : les Etats-Unis, l’Angleterre, la France et dans une moindre mesure l’Italie. Ni les vaincus, ni la Russie bolchevique n’ont assisté à la conférence de paix. Il en résulte des rancœurs exprimés par les vaincus et une amertume de certains vainqueurs comme l’Italie, bien que victorieuse, était-elle aussi mécontente de son sort, car ses revendications n’ont pas été satisfaites.
D’autre part, ces mêmes traités vont morceler l’Europe centrale et orientale. La disparition de l’empire Austro-Hongrois se traduit par la création de nombreux petits Etats souvent très fragiles. Les uns ont été reconstitués comme la Pologne et la Hongrie tandis que d’autres ont été forgés de toutes pièces comme La Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. Les vainqueurs ont cru possible de reconstruire la carte de l’Europe sur le principe des nationalités. Mais le nouveau découpage territorial laissait subsister des poches de minorité qui portent en elles autant de germes potentielles pour de nouveaux conflits. Le pacte de la Société des Nations, qui fait le préambule de tous les traités, semble reconnaître cette nouvelle donne. Cette organisation se trouve vite confrontée à plusieurs nouveaux conflits entre les entités nouvellement créées.
Enfin, les négociateurs de Paris n’ont donc pas pu donner au monde un statut qui lui assure la paix pour toujours. Leur échec s’est avéré patent sur plusieurs questions. En tenant le Russie à l’écart de la conférence, en refusant de satisfaire les revendications territoriales de l’Italie dans l’Adriatique et en dépouillant la Turquie au profit de la Grèce, les négociateurs multiplient en Europe et en Asie les foyers de mécontentement et créent eux-mêmes les conditions nécessaires à la remise en cause de leur œuvre dans une atmosphère explosive et peu propice au maintient de la paix dans le monde. L’avenir est donc lourd d’orages quand la conférence se sépare ; les difficultés, nées de l’application des traités, vont bientôt les faire éclater.
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